Elle dort. Blottie dans une parka d’homme, elle dort. Allongée sur un banc, à deux pas des balançoires, elle dort. Il n’est pas arrivé. Elle a attendu. Longtemps. Aussi longtemps qu’elle a pu, mais il n’est pas arrivé. Alors, lentement, sans le sentir, elle a renoncé, et ses yeux se sont fermés. Son corps s’est laissé glisser doucement sur le banc.

Pour l’attendre, elle s’était blottie dans sa parka, dans son odeur. Pour l’attendre, elle a regardé la route, et elle a espéré à chaque fois que des phares déchiraient la nuit. Assise sur le banc, appuyée contre son gros sac, elle a pensé à lui. Elle a essayé de retrouver leurs jeux d’enfants, leurs jeux d’il y a longtemps. Mais seule, à coté des balançoires, ses souvenirs n’avaient pas de couleur. Le ballon restait immobile, vieux, sale, inutile sur le sol. Les buissons ne cachaient plus de trésor à conquérir. Elle a cherché dans sa mémoire les oiseaux, les arbres d’il y a longtemps, ceux qui les veillaient, avant. Avant qu’ils passent la porte. Il y avait de grands arbres qui bruissaient dans le vent, pleins d’oiseaux verts et bleus, ils étaient là, ils projetaient leurs ombres bienveillantes sur eux, et les oiseaux les guidaient dans leurs jeux. Mais dans sa mémoire, elle n’a trouvé que de grandes silhouettes noires, et des oiseaux silencieux comme la nuit. Elle a attendu longtemps. Plusieurs fois, elle a resserré la parka autour d’elle, plusieurs fois, elle a senti son odeur, son odeur à lui. Lui, qui n’est pas arrivé. Et puis elle a appuyé sa tête sur le sac, elle a fermé les yeux, et doucement, son corps a glissé sur le banc.

Il a failli caresser sa joue, mais il a retenu sa main. A la lumière de la lune, son visage est paisible, elle dort. Couchée sur le banc, près des balançoires, elle dort. A l’abri des grands arbres, dans le parc de leur enfance, elle dort. Il devra la réveiller, il devra la rassurer. Elle a du attendre longtemps, mais elle n’a pas renoncé. Elle est restée sur le banc, près des balançoires. Blottie dans sa parka, elle l’a attendu.

Maintenant, il va caresser sa joue, doucement, tendrement, et déposer un baiser léger comme une plume verte et bleue, et ils vont partir. Ensemble. Il va l’emporter pour retrouver les oiseaux et les arbres qui bruissent dans le vent.

 
Murielle Bonnet
Lauréate 2009 du concours France Inter de fictions Richard Avedon